L’ancien ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a pris position dans le débat en cours sur le mouvement #MeToo qui secoue le monde hospitalier. Elle a vivement critiqué l’Ordre des médecins, accusant l’institution d’avoir souvent « protégé les comportements violents ». Dans une interview accordée à Paris Match le 2 mai, elle a exposé ses réflexions sur les dynamiques complexes qui favorisent la perpétuation de la violence et du harcèlement dans le secteur médical.
Les témoignages qui ont émergé ces derniers mois révèlent un environnement hospitalier fermé, dominé par une forte culture patriarcale, et où les hiérarchies strictes rendent souvent les victimes vulnérables au silence. Les harceleurs, bénéficiant souvent de leur statut supérieur, ont été mis en lumière pour des comportements abusifs allant du harcèlement verbal au harcèlement sexuel.
Agnès Buzyn affirme que l’Ordre des médecins, au lieu de fournir une structure de protection pour les victimes, a souvent agi comme un rempart pour ceux qui exercent le harcèlement. L’Ordre, traditionnellement voué à maintenir les normes éthiques et professionnelles, semble selon elle, être devenu un outil de protection des agresseurs plutôt qu’un arbitre impartial. Ceci, en soi, constitue une barrière importante pour les victimes qui cherchent à obtenir justice.
Les obstacles ne s’arrêtent pas à l’Ordre des médecins. Buzyn souligne également la structure hiérarchique rigide des hôpités, où les victimes sont souvent en bas de l’échelle professionnelle. Souvent, les victimes hésitent à parler de peur de représailles ou de perdre leur poste. La peur de ne pas être crue, ou d’être ostracisée par ses collègues, conduit à une culture de silence qui protège les auteurs.
Elle rappelle que le mouvement #MeToo a fait tomber les barrières du silence dans de nombreux secteurs, et espère que les mêmes effets se produiront dans le domaine médical. En encourageant davantage de voix à s’exprimer, elle appelle les hôpitaux et les écoles médicales à examiner en profondeur leur culture organisationnelle et leur cadre éthique.
La culture hospitalière est souvent perçue comme élitiste et masculine, décourageant l’expression des préoccupations et l’examen minutieux des comportements abusifs. Elle insiste sur la nécessité d’introduire des mesures de responsabilisation qui redonneraient de la transparence aux structures décisionnelles des hôpitaux.
La France n’est pas le seul pays à voir ses institutions médicales confrontées à des scandales liés au harcèlement. Les enquêtes aux États-Unis et au Royaume-Uni ont révélé un problème systémique similaire, mettant en lumière la nécessité d’une refonte culturelle.
Il est crucial, pour la profession médicale, d’adopter des mesures plus strictes et de promouvoir une culture d’intégrité et de respect. Cela inclut des formations renforcées pour sensibiliser les professionnels de la santé sur le harcèlement sexuel, les comportements non professionnels et les conséquences de leurs actes.
Buzyn appelle à une réforme en profondeur pour assurer que les structures de santé deviennent des lieux de travail sûrs, où les victimes peuvent s’exprimer sans crainte de représailles et où les comportements violents sont éliminés.
Elle invite également les futurs professionnels de la santé, actuellement en formation, à contribuer activement à changer la culture des hôpitaux. Leur capacité à défier les normes actuelles et à créer des environnements plus inclusifs et ouverts peut jouer un rôle majeur dans la transformation de la profession.
En parallèle, l’Ordre des médecins est tenu d’assumer une responsabilité plus grande en écoutant les plaintes des victimes et en prenant des mesures disciplinaires appropriées à l’encontre des agresseurs.
Cela nécessite une révision de ses protocoles d’enquête et un changement d’attitude vis-à-vis des signalements. En offrant une protection efficace aux lanceurs d’alerte, l’Ordre peut redorer son blason et restaurer la confiance du public envers la profession médicale.
Le mouvement #MeToo dans les hôpitaux n’est pas une lutte isolée. C’est un appel à une réforme systémique qui implique des changements culturels profonds. La protection des patients et du personnel soignant doit être au cœur de toutes les préoccupations.
Il est impératif que chaque médecin, chaque soignant et chaque gestionnaire d’hôpital s’engage activement pour faire disparaître les comportements violents et mettre fin à l’impunité. Les hôpitaux doivent devenir des lieux où règnent la confiance et la solidarité.
Buzyn conclut en affirmant que la profession médicale doit faire preuve d’un leadership fort et d’une grande détermination pour mettre fin aux abus et garantir la sécurité de tous les professionnels de la santé.